lundi 24 mai 2010

SÉMIOLOGIE GRAPHIQUE (2)

Le dernier écrivain public a disparu de Paris en 1962. C'était le témoin d'une époque où la lecture et l'écriture n'étaient pas encore à la disposition de tous. Si maintenant chacun est "lettré", c'est que l'UTILITÉ UNIVERSELLE de l'écriture est soudainement apparue. Son apprentissage a été organisé. Une méthode, une grammaire furent établies, et l'enseignement en devint obligatoire.

Or, maintenant apparaît l'UTILITÉ du dessin. C'est en effet un moyen commode de noter, de retenir, de comparer les multiples informations nécessaires à l'exercice d'une activité moderne.
Mais peu de personnes savent "utiliser" le dessin. Les dessinateurs, les bureaux de dessin jouent le rôle de l'écrivain public et sont surchargés de travail. Dans l'avenir, n'en doutons pas, le dessin utile à commencer par les diagrammes sera à la portée de tous, bons ou mauvais dessinateurs, car le problème est semblable à celui de l'écriture.

Chacun écrit, se sert de ce moyen d'expression dans le cours de son existence sans pour cela être "écrivain". Chacun, de même, saura utiliser les deux dimensions de la feuille de papier pour formuler ses informations, ayant appris les règles d'utilisation et non de technique. Tout invidu scolarisé saura construire une image, indépendamment de la qualité de son trait de plume, comme il sait construire une phrase, indépendamment de la calligraphie des mots. On ne confond plus langage et écriture, tournure de phrase et calligraphie. Mais on confond encore construction d'une image et qualité du trait. Combien de dessins admirablement exécutés et richement reproduits trahissent leur titre et ne communiquent qu'une information dérisoire et inutile? Que de papier et de couleurs perdus. Tandis que des croquis "malhabiles" mais correctement construits deviennent les meilleurs instruments de la découverte et de la pédagogie.

Sait-on enfin regarder un dessin, répondre avec précision à la question : à quoi peut servir un dessin? C'est à cette question que nous essayerons de répondre, et les conséquences de cette réponse seront développées en une méthode pratique d'utilisation et de rédaction de la représentation graphique.

Jacques Bertin, Sémiologie graphique, 1967, Paris

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire